Art, design et artisanat à l'ère du numériquePar Samuel Bianchini

Résumé

Samuel Bianchini

@Hélène Bozzi

Art, design, artisanat à l’ère du numérique

Pour de nouvelles formes de coopération entre conception, expérience et matérialité

Le numérique serait un facteur de dématérialisation. Le design serait essentiellement basé sur une logique de projet au profit de fonctions. À l’instar de la CAO (“conception assistée par ordinateur”) ou de l’impression 3D, la forme et la matière se conformeraient au verbe ou au programme. L’art serait, quant à lui, d’abord cérébral, conceptuel, comme l’a démontré, dès les années 20, László Moholy-Nagy, en donnant des instructions par téléphone pour faire réaliser ses œuvres par d’autres, artisans et / ou machines. Les artisans seraient alors soumis à la commande et aux règles du métier.

S’il est certain que nos sociétés sont aujourd’hui innervées de toute part par les technologies numériques, il est en revanche douteux et dangereux de croire que l’ensemble de nos vies pratiques et de nos environnements matériels puissent être réduit à des conduites programmées, au verbe implémenté devenu calculable.

Au contraire, à mesure que les logiques ordonnatrices de l’informatique tentent de s’imposer, on redécouvre la puissance sensible des formes et de leur plasticité, la beauté des gestes irréductible à la mécanisation, comme les facultés d’action de la matière et de nos environnements dits “naturels”. Entre art, design, artisanat et technologies, comment composer ? Peut-être ne faut-il pas alors réduire la question, mais assumer, à la manière d’Edgar Morin, sa complexification : comment permettre de nouvelles formes de coopération entre les disciplines artistiques et scientifiques, avec les technologies numériques, tout en étant préoccupés par un soucis écologique qui nécessite une attention toute particulière aux forces et au respect de nos environnements matériels et naturels ?

Agentivité de la matière, expérience humaine pluridisciplinaire et puissance du numérique ne sont ni opposables ni réductibles l’une à l’autre, au contraire, ces différents registres d’activité nous appellent à repenser et expérimenter de nouvelles formes de coopérations, humaines et autres qu’humaines, qui donnent toute leur place à la dimension esthétique. C’est dans cette perspective que Samuel Bianchini proposera une réflexion basée sur de nombreux exemples pratiques provenant, entre autres, d’un champ d’exploration autant pluridisciplinaire que vivifiant : la robotique et même, la “soft robotic”.

Samuel Bianchini est artiste et enseignant-chercheur (PhD, habilité à diriger des recherches) à l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs (EnsAD, Université PSL, Paris), où il dirige le groupe de recherche Reflective Interaction d’EnsadLab (laboratoire de l’EnsAD) et où il est également co-responsable de la Chaire arts et sciences mise en place en 2017 avec l’École polytechnique et la Fondation Daniel et Nina Carasso.

Sites web : www.dispotheque.org | https://reflectiveinteraction.ensadlab.fr